Madame T.* historienne, conférencière et femme de goût, a consacré une grande partie de sa carrière au monde de la mode. Ses recherches sur les codes vestimentaires, le costume, les dessous féminins… nous ont donné envie de connaître l’avis d’une professionnelle sur la lingerie des femmes et son devenir. Marseille, par une belle journée de décembre, Mme T. élégante et souriante pénètre dans les locaux d’Aimée.L, passionnée elle se prête sans attendre à notre interview et raconte :
1. La lingerie a-t-elle une importance primordiale dans la garde-robe féminine à votre avis ? De quelle manière ?
Bien sûr, la lingerie revêt une grande importance, quels que soient l’âge, le mode de vie ou le milieu social. Cependant le fait que des bretelles de soutien-gorge ou le haut d’un string apparaissent, ne dérange plus grand monde est symptomatique de la désinvolture à l’égard des codes établis, et même d’une certaine provocation. Certains créateurs l’ont bien compris et utilisent cela dans la présentation de leurs modèles. Le succès étant parfois au rendez-vous…
2. Entre les années 50, les années 60-70, les 80-90, et aujourd’hui quelle époque révèle pour vous ce que les femmes veulent en lingerie ?
On retrouve dans ces trois périodes des éléments fondateurs de la lingerie actuelle :
Les années 50 ont été caractérisées par le règne encore très dirigiste en matière de mode des créations de haute couture, nécessitant des dessous très élaborés : bustiers, porte-jarretelles, gaines, soutien gorges . On revient beaucoup sur ces modèles de lingerie pour valoriser les silhouettes des robes décolletées ou moulantes, mais leur port demeure ponctuel, ou se rapproche de la séduction intime.
Les années 60-70 sont celles, surtout après 68, les plus dépourvues de l’importance des dessous : port généralisé du pantalon chez les femmes, mini-jupe, parfois plus de soutien gorges, ou alors allégés. Les matières synthétiques font leur apparition généralisée dans ce domaine et ne le quitteront plus : tout doit pouvoir aller en machine à laver. Cela est resté essentiel et définitif dans la façon de vivre, dans laquelle l’hygiène et le confort deviennent des préoccupations premières.
Quant aux années 80-90, une certaine féminité réapparaît, la lingerie se “colore”, le noir n’est plus tabou. La couleur chair fait aussi des adeptes.
Depuis les années 2000, de plus en plus les femmes deviennent exigeantes : confort et soutien efficace pour les sportives, entretien, délicatesse “solide”, la lingerie peut devenir un cadeau, les ensembles soutien gorges et slips deviennent la norme et le resteront longtemps.
3. Vous qui avez beaucoup travaillé sur « le costume » aujourd’hui pensez-vous qu’on s’éloigne de l’idée de costume ? Considérez-vous un ensemble de lingerie comme un costume ?
On s’éloigne, bien sûr, de nos jours, de la notion même de costume, pour se rapprocher de celle de “vêtement”, c’est-à-dire, le fait de se vêtir, avec une diminution, si ce n’est une abolition complète des codes liés à cet acte, et à l’adéquation avec une activité ou une représentation. Le port systématique du jeans, chez les hommes comme chez les femmes, de T-shirts, de blousons, quels que soient les circonstances et les lieux, est significatif. Seuls quelques événements : mariages, entre autres, ou obligations professionnelles, sont l’occasion de sortir de ce schéma vestimentaire. Le costume est composé d’un ensemble de pièces dont seul l’aspect extérieur est visible. Un ensemble de lingerie n’est donc pas, en soi, un costume, même s’il en conditionne souvent l’aspect ou la structure. Le costume de bain, proche de la lingerie, se rattache pourtant au costume mais ne constitue pas une exception à cette règle.
4. Quel est pour vous le rôle des dessous féminins de nos jours, pensez-vous que la lingerie féminine devrait être porteuse de message ? Si oui lequel ?
Ce rôle est important, davantage pour un certain plaisir personnel de se sentir bien dans son corps; c’est un potentiel de séduction ultime, un petit reste de secret à dévoiler dans une époque où la pudeur est mal portée et où le fait d’être bien sa peau doit aller de soi. Cependant la lingerie “sculptante”, les guêpières, font un retour en force, montrant que les vieux codes sont toujours un peu présents, que le “jeunisme”, la silhouette, la fermeté du corps font partie des rêves féminins depuis très longtemps.
5. Vous avez visité notre showroom Aimée.L à Marseille, vos impressions ?
J’ai remarqué de très jolis ensembles dans des tons saturés, bien coupés avec des détails délicats comme des petits laçages ou des volants de dentelle bien proportionnés. Le showroom est clair et lumineux, spacieux, les murs blancs mettent bien en valeur les séries de modèles, l’ensemble formant une harmonie agréable.
*Mme T. qui préfère travailler en coulisses, a souhaité garder l’anonymat.